La proposition de loi « créant la fonction de directrice ou de directeur d’école » dite « loi Rilhac » a été votée à l’Assemblée nationale en deuxième lecture le mercredi 29 septembre. Elle vise à donner au directeur ou à la directrice « une délégation de compétences de l’autorité académique » et « une autorité fonctionnelle ». Nous, directeurs et directrices, n’en voulons pas.
Nous ne voulons pas de cette « délégation de compétences » : nous ne voulons pas imposer les choix de formations, nous ne voulons pas décider seul•es de l’organisation de l’école. Nous voulons continuer à travailler en équipe et refusons d’être isolé•es au sein du collectif de travail.
Nous ne voulons pas avoir un droit de regard sur les pratiques pédagogiques des enseignant•es, sur la validation de leurs projets, sur leur « manière de servir ».
Nous ne voulons pas non plus recruter nos collègues comme le prévoit l’expérimentation lancée par le président de la République à Marseille, qui pousse à son terme la logique de la loi Rilhac.
Nous, directrices et directeurs, dénonçons un changement profond de nos missions et de notre statut. Il est totalement illusoire de croire que cette loi facilitera le fonctionnement des écoles. Être chef•e ne diminuera pas notre temps de travail, n’améliorera pas le relationnel avec les équipes. C’est bien de temps et de moyens de fonctionnement plus conséquents dont les écoles et les directeurs et directrices ont besoin.
Nous refusons de passer d’un fonctionnement démocratique et collectif avec un rôle d’animateur•trice et de coordinateur•trice de l’équipe enseignante à un fonctionnement vertical et directif. Nous estimons que si cette « délégation de compétences » nous est attribuée, cela ne sera pas une reconnaissance supplémentaire mais constituera plutôt le moyen de renforcer les exigences gestionnaires à nos dépens et aux dépens de nos collègues. Nous refusons de devenir une courroie de transmission entre le ministre et nos collègues.
Nous dénonçons l’absence de réponses après le suicide de Christine Renon, notre collègue directrice qui a mis fin à ses jours le 21 septembre 2019 et qui, déjà, dénonçait les conditions de travail insupportables qui étaient les siennes. Ce n’est pas la loi Rilhac qui permettra d’améliorer nos conditions de travail, bien au contraire. Ce que nous demandons, ce sont des mesures et des réponses concrètes pour mener à bien nos missions et nous donner les moyens de travailler.
Nous refusons que la crise sanitaire serve de prétexte à l’installation d’une nouvelle hiérarchie dans les écoles. Les écoles ont tenu en dehors de toute hiérarchie, grâce aux équipes et ce qu’elles ont mis en place sur le terrain, le plus souvent livrées à elles-mêmes. Alors qu’il y aurait tant à faire pour améliorer le service public d’éducation, pour mieux prendre en compte les inégalités scolaires creusées par la crise sanitaire et pour garantir vraiment la réussite de tous•tes les élèves, la solution promue par le gouvernement est contre-productive et aboutirait à un véritable bouleversement du fonctionnement de l’école publique.
La situation actuelle est loin d’être satisfaisante : nous manquons de temps pour échanger avec nos collègues et nous sommes de plus en plus isolé•es avec une avalanche de tâches administratives, plus ou moins utiles. Depuis des années, les directrices et directeurs d’école voient leurs tâches s’alourdir (augmentation du nombre d’interlocuteurs et interlocutrices, place du numérique, injonctions administratives diverses et variées). Ainsi, à chaque promesse d’allègement ou de simplification, c’est l’inverse qui se produit et que nous subissons.
Pour nous, la solution ce n’est donc pas de renforcer la coupure entre les collègues d’une même école. Nous sommes attaché•es au fonctionnement démocratique de l’école, dans laquelle les décisions sont prises collectivement au sein du conseil des maîtres et des maîtresses.
Nous demandons :
- L’abandon de la proposition de loi Rilhac et de l’expérimentation Macron à Marseille
- Une aide administrative statutaire dans chaque école
- Un réel allègement des tâches administratives
- Une décharge garantie pour chaque école et l’augmentation des quotités hebdomadaires de décharges de direction par l’attribution de postes spécifiques.
Nous appelons toutes les directrices et tous les directeurs qui se reconnaissent dans cette tribune à la signer à leur tour et à la diffuser pour faire entendre le fait que nous, directrices et directeurs, refusons la proposition de loi Rilhac !
Les 50 premier•e•s directeurs et directrices signataires :
Sébastien AGUSTI, école de Germolles sur Grosne, Saône-et-Loire (71)
Christelle ARATOR, école primaire, Cavanac, Aude (11)
Henri BARON, école élémentaire publique rue de Wattignies, Paris (75)
Luc BENIZEAU, école élémentaire Jean Vilar, Villejuif, Val-de-Marne (94)
Marie-Anne BOUCHON, école Suzanne Sens, Ahuille (53)
Amandine BOUTIN, école de Benest, Alloue, Charente (16)
Marielle CANTILLON, école élémentaire Estaque Gare, Marseille 16, Bouches du Rhône
Nathalie CARBONI-LATOUR, Ecole maternelle 61 Vitruve, Paris (75)
Pierre CHAPA, école Lucie Aubrac Saint Domineuc, Ille-et-Villaine (35)
Fabienne CHABERT, école Jean Jaurès Le Pré ST Gervais (93)
Erwan CHARNY, école primaire de Saint Angel, Allier (03)
Nathalie COLLANGE, école maternelle Pauline Kergomard, Montluçon, Allier (03)
Marjorie DAVION, école Lespinasse, Toulouse, Haute-Garonne (31)
Patrice DEVIU, école Elémentaire Jules Ferry Thuir, Pyrénées-Orientales (66)
Antoine DIERSTEIN, école élémentaire publique Olivier Métra, Paris (75)
Muriel DION, école primaire de Bonny-sur-Loire, Loiret (45)
Sabine DURAN, école élémentaire Joséphine Baker, Pantin, Seine-Saint-Denis (93)
Lydia ECK école primaire Russ, Strasbourg, Bas-Rhin (67)
Yannick LEFEBURE, école primaire, Goersdorf, Bas-Rhin (67)
Lauranne GIOVANELLI, maternelle Jean Moulin, Cavaillon, Vaucluse (84)
Crystel GOMBERT, école Maternelle Le Pilat, Saint-Gaudens, Haute-Garonne (31)
Sophie GRENON, école primaire publique, Éguzon-Chantôme, Indre (36)
Hèdi HAMMADI, école de l’Aérodrome, Avrillé (49)
Céline HOLLEBECQ, école publique Saint Gabriel, Avignon, Vaucluse (84)
Laurent HUILLET, école maternelle Arc en ciel, Farebersviller, Moselle (57)
Garlonn JAFFRENOU, école publique Saint Germain sur Ille, Ille-et-Villaine (35)
Claudie LAURENT, école maternelle Françoise Dolto, Segré, Maine-et-Loire (49)
Marion MAGNIEZ, école primaire Gaëtan Marichez, Anvin, Pas-de-Calais (62)
Emmanuelle MARAY, école primaire Charlie Chaplin, Redon, Ille-et-Vilaine (35)
Laure MENDONÇA, école élémentaire La Quintinie, Versailles, Yvelines (78)
Vincent MIROWSKI, école primaire, Enval, Puy-de-Dôme (63)
Yvan MOQUETTE, école élémentaire Mignonne, Joué-les-Tours, Indre-et-Loire (37)
Catherine MORICE, école primaire Louis Lechère, Chalon-sur-Saône, Saône-et-Loire (71)
Aurélien PETIT, école élémentaire Mistral, Vallauris, Alpes-Maritimes (06)
Marie-Hélène PLARD, école maternelle Samira Bellil, L’ïle-Saint-Denis, Seine-Saint-Denis (93)
Anne PONAMALÉ, école maternelle Les Fourmis, Saint-Paul, La Réunion (974)
Olivia QUEYSSELIER, école maternelle Lahubiague, Bayonne, Pyrénées-Atlantiques (64)
Edith QUINTANA, école Jacques Prévert, Cransac, Aveyron (12)
Jérôme PELLETIER, école maternelle Roupnel, Gevrey-Chambertin, Côte-d’Or (21)
Alexandra PETIT, école maternelle les Brichères Auxerre, Yonne (89)
Emilie PERTUZE, école maternelle St Exupéry Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime (76)
Elisa RADUCANU, école Poincaré B, Asnières, Hauts-de-Seine (92)
Cathy REUTTER, école élémentaire Bon Voyage Mixte 2, Nice, Alpes-Maritimes (06)
Rivomalala RAKOTONDRAVELO, école Cavani Sud 1, Mammoudzou, Mayotte (976)
Leila SAIMI, école élémentaire P.d’Essling, Nice, Alpes-Maritimes (06)
Gaëlle SIPOS, école maternelle du Malcourlet, Gannat, Allier (03)
René SOUROUX, école élémentaire Louis Vignol, La Ciotat, Bouches-du-Rhône (13)
Jane URBANI, école maternelle Marc Bloch, Lyon, Rhône (69)
Noëlle VILLENEUVE, École maternelle Paraire, Rodez, Aveyron (12)
Fabienne ZWIEBEL, école maternelle Linné, Bourgoin-Jallieu, Isère (38)