CIEN du 15 septembre 2022

Conseil Interacadémique de l'Education Nationale

Déclaration liminaire

À l'occasion de cette rentrée 2022, l'Éducation nationale a été plus que jamais sous les feux des projecteurs et c'est tout d'abord la capacité de l'État à pourvoir les postes laissés vacants par l'effondrement du recrutement qui a été interrogée : y aurait-il, comme le ministre NDiaye s'y était engagé, un ou une enseignante devant chaque classe le 1er septembre ? Selon le sondage de nos camarades du SNES auprès de 554 collèges et lycées, il y avait 62 % des lycées dans lesquels il manquait au moins un enseignant le 3 septembre et ce taux monte à 83 % dans l'académie de Créteil. Et encore on obtient ce taux avec des sureffectifs dans les classes en collèges REP et REP+, où on dépasse très souvent les 25 élèves par classe. En STMG aussi, alors que le Recteur de l'académie de Créteil s'était engagé à respecter ce plafond de 24. C'est le cas des lycées Jean Renoir de Bondy, Jacques Feyder d'Epinay sur Seine ou encore Jacques Brel de La Courneuve qui se sont mis en grève pour revendiquer des heures afin de créer les classes suffisantes pour respecter ces plafonds. Mais ce sont aussi des postes de toutes les catégories de personnels qui ne sont pas pourvus, comme les AESH. Ainsi de nombreux élèves à besoins particuliers n’ont pas leur quotité respectée.

Dans les Haut-de-Seine, en Seine St Denis, dans le Val de Marne ou encore à Paris, de nombreux établissements ont exprimé, par la grève, par des courriers au recteur ou aux directrices et directeurs d’académie que cette rentrée n’était pas faisable. Impossible en effet de faire cours dans des classes au collège avec des classes pleines alors que les élèves venant d’ULIS ou d’UPE2A ne sont pas encore intégré.es. Impossible de faire cours avec des classes de filières technologiques dépassant les 24 élèves. Impossible de faire cours sans que tous les personnels – assistant·es de service social, infirmièr.es, CPE, enseignant.es, AESH, Psy-EN – ne soient présent.es sur leur poste.

Dans l'ensemble des académies d'Île-de-France, ce n'est qu'en recrutant massivement des personnels contractuels, que l'Éducation nationale a tenté de sauver les apparences et à tenter de convaincre que la situation était sous contrôle.

Mais comment peut-on croire que l'année va être sereine quand tant que de nouveaux et nouvelles collègues ont été recrutés en catastrophe avant l'été pour prendre en charge des classes dès la rentrée après une indigente formation ? Nous dénonçons le recrutement des contractuels par jobdating ou entretien de 30 minutes suivi d’une formation de 4 jours avant d’être projeté dans une classe. Comment peut-on espérer que les remplacements soient effectivement assurés tout au long de l'année quand on constate que le nombre de remplaçants dans les trois académies franciliennes est déjà épuisé ? Pour attirer des candidats, SUD éducation revendique une augmentation générale et conséquente des salaires : plus aucun personnel sous le seuil des 2000 euros, et la titularisation sans condition de tous les professeur·es contractuel·les. Quant aux contractuels déjà recrutés les années précédentes, la poursuite de leur contrat s'est faite dans le chaos. On a vu des enseignants de Bobigny nommés à Saint-Ouen et des enseignants de Saint-Ouen nommés à Bobigny, des professeurs de SVT auxquels on a proposé d'enseigner dans le premier degré.

Face à cette crise de recrutement, le gouvernement prévoie une augmentation de 10 % des salaires en 2023. Mais cette mesure ne fera que rattraper l'inflation prévue entre 7 % et 8 %. En effet l'inflation de l'année 2022 va s'établir à cette hauteur avec une hausse du point d'indice de 3,5 %, donc si on l'additionne avec celle l'année 2023 on arrivera tout juste à rattraper l'inflation. Et encore, cette mesure ne s'appliquera sans doute qu’à une partie des personnels de l'éducation nationale. Mépris envers la formation des personnels, hausse des salaires insuffisantes, la crise de recrutement n'est pas terminée. Car il ne fait pas bon vivre dans l’éducation Nationale, en témoigne les nombreux cas de harcèlements que nous suivons chaque année, bien souvent de la part d’une hiérarchie de plus en plus autoritaire. Nous dénonçons également la manière dont sont parfois gérées les enquêtes internes pour harcèlement sexuel au sein des rectorats : déplacement d’une enseignante dénonçant ces faits dans les Hauts- de-Seine, ou encore perte de dossier de demande de protection fonctionnelle en Seine-St-Denis. SUD éducation souhaite entre autres la mise en place d’un dispositif de signalement et de traitement des violences sexistes et sexuelles au sein des rectorats.

Pour ce qui est de l'école inclusive, c'est à une nouvelle rentrée en mode "gestion de la pénurie" à laquelle nous assistons et les directions académiques cherchent par tous les moyens à combler les trous : les heures d'accompagnement disponibles sont saupoudrées pour donner l'illusion que tou·tes les élèves qui y ont droit sont bien accompagné·es et, encore une fois, les besoins réels des élèves sont totalement ignorés. A Paris, c'est actuellement prêt de 500 AESH qui manquent pour combler les besoins de l'ensemble des élèves Parisiens. Et que dire de leur grille salariale, mise en place il y a un an, et qui n'a pas du tout été revue depuis la dernière augmentation du SMIC au mois de mai. Les rattrapages d'indice opérés par les académies pour éviter que les salaires ne tombent sous la barre du salaire minimum rendent totalement caduque cette grille salariale qui avait été obtenue suite aux grèves massives de l'année 2021. Le ministère joue la politique de l'autruche, tout comme il le fait sur la question de la prime REP pour les collègues qui exercent en éducation prioritaire. Sur cette question SUD éducation poursuit son action juridique aux côtés des collègues.

Nous dénonçons également la réforme du lycée professionnel : l’annonce de l’augmentation de 50% des périodes de stage en entreprise en lycées professionnels est désormais actée par la présidence et le gouvernement, et ce dès la rentrée 2023. Elle s’accompagne d’une mise en place locale des formations et des volumes d’enseignement, à la carte, lycée par lycée. Cette réforme du lycée pro met l’entreprise au coeur de la formation de ces lycéens et réduit le volume des enseignements, réduisant ainsi la capacité des élèves de LP à trouver les voies de leur émancipation.

Pour finir, nous dénonçons la répression subie par notre camarade Kai Terada. Dimanche 4 septembre, Kai Terada, co-secrétaire départemental de SUD éducation 92 et enseignant de mathématiques au lycée Joliot-Curie de Nanterre (92), s’est vu notifier par le rectorat une suspension de 4 mois. Mercredi 7 septembre, il était convoqué au rectorat de Versailles, qui lui indiquait son intention d’engager une mutation dans l’intérêt du service sous 10 à 15 jours. Pourtant, le dossier administratif est vide, et le rectorat lui-même indique qu’il n’a commis aucune faute justifiant d’engager une procédure disciplinaire. Il s’agit manifestement d’un nouveau cas de répression anti-syndicale. Le motif avancé par le rectorat de “ramener la sérénité” dans l’établissement est jugé totalement irrecevable par les collègues de Kai, très mobilisé·es depuis le début de l’affaire. Ils et elles étaient d’ailleurs nombreux·ses en grève dès le 5 septembre et rassemblé·es devant le rectorat de Versailles jeudi 8 puis mardi 13 septembre pour le soutenir. En revanche, Kai est bel et bien un militant syndical actif au niveau local, régional comme national, depuis de nombreuses années : c’est cela qui a motivé l’administration à engager des poursuites contre lui. Avec Macron, la répression anti-syndicale a pris une ampleur inédite, dans les rassemblements, manifestations, et y compris dans les établissements scolaires. La mobilisation contre la mise en place des E3C en 2019 a entraîné une vague de répression très forte, contre les personnels et les lycéen-e-s. dont les cas les plus emblématiques ont été ceux du lycée de Melle (79) et du lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (63). La répression contre Kai Terada s’inscrit également dans une vague de procédures de mutations “dans l’intérêt du service”, en réalité des opérations de répressions anti-syndicales déguisées. Celles-ci, facilitées par la loi de transformation de la Fonction publique de 2018, sont devenues un outil, pour la hiérarchie administrative, pour se débarrasser à peu de frais des enseignant·es syndicalistes, sans procédure contradictoire. C’est bien souvent le “climat” de l’école ou de l’établissement qui est invoqué de manière abusive comme dans le cas des 4 collègues du collège République de Bobigny en mars 2019, de Hélène Careil à l'école Marie Curie de Bobigny en mars 2021 ou nos 6 collègues de l'école Pasteur de Saint-Denis en avril 2022. Cette vague de répression se poursuit donc avec notre nouveau ministre. Elle doit cesser définitivement : les droits syndicaux, le droit de grève et de manifestation ne doivent en aucun cas être entravés. Nous demandons la réintégration des 6 collègues de l'école Pasteur, celle de nos collègues du collège République et bien évidemment le maintien dans son établissement de Kai Térada.