Guide contre les Violences Sexistes et Sexuelles faites aux enfants à destination des personnels

Élèves victimes de Violences sexistes et sexuelles ou d'inceste

Ce guide à pour objectif de :

  • Donner des chiffres concrets de l'ampleur du phénomène pour l'appréhender
  • Apprendre à accueillir la parole d'élèves victimes
  • Connaitre les procédures à entreprendre suite à la connaissance d'un cas, les personnes à contacter, les personnes pouvant nous contacter
  • Conseiller les personnels sur les comportements qui peuvent alléger la charge mentale qu’inflige ce processus…
  • Lister les numéros et les plateformes dédiés, ainsi que les associations qui peuvent venir dans les écoles/collèges/lycées pour éduquer les enfants sur ces situations, sur le réel fonctionnement de la prise en charge de l'inceste par l'administration et les pouvoirs publics…

Les chiffres en France
- Un·e enfant sur 10 est victime d’inceste selon une enquête d’Ipsos sur l’inceste. Au primaire c’est en moyenne 1 enfant par classe, contre 2 à 3 dans le secondaire.
- Les violences sexuelles, ce sont 130 000 filles et 30 000 garçons victimes chaque année, soit une fille sur cinq et un garçon sur treize
- L’âge moyen des premières violences sexuelles est 10 ans. Ce sont des filles dans 83% des cas.
- 1 fois sur 5, ces violences sexuelles sont un viol.
- 44% des violences sont incestueuses.
- 96% des cas d’inceste sont commis par des hommes.
- 5% des victimes sont en situation de handicap au moment des faits.
- 50% des victimes de violences sexuelles durant l’enfance font par la suite une tentative de suicide.
Avoir subi des violences durant l’enfance est le premier facteur de décès précoce et peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie.

Retrouver le détail et les revendications de Sud Education ici :
https://www.sudeducation.org/wp-content/uploads/2023/12/Tract-12-pages-droits-des-enfants.pdf

 

Comment repérer les violences sexuelles chez les jeunes ? Que faire si on a un doute ?

Voici quelques signes qui doivent nous alerter concernant un·e de nos élèves :
- changement brutal de comportement ;
- troubles du comportement alimentaire ;
- comportement d'addiction ;
- automutilation.

Lorsqu'on a des suspicions, il est possible de poser des questions à l'élève. Il ne s'agit pas de demander "Es-tu victime de violence ?" car l'élève n'est pas forcément conscient ·e qu'iel subit des violences, et tout le monde n'a pas la même perception de ce qu'est la violence.

Voici quelques questions qu'on peut poser :
- "Est-e ce qu'il y a des personnes qui te font peur ?"
- "Est-ce qu'on t'a déjà fait (du) mal ?"
- "Est-ce que tu t'es déjà senti·e mal à l'aise ?"
-"Est-ce que quelqu'un t'a déjà touché alors que tu n'en n'avais pas envie ?"
- "Est-ce que tu as eu envie de dire non ?"
-"Comment tu t'es senti·e après ?"

Comment accueillir la parole des enfants ?

➢ Privilégier l'écoute, laisser l'élève s'exprimer et dire ce qu'iel a à dire sans intervenir dans un premier temps et reformuler ensuite pour s'assurer qu'on a bien saisi.
➢ Mettre par écrit ce qui nous a été rapporté le plus tôt possible après l'entretien, en essayant de bien noter les expressions de l'enfant.
➢ Ne pas porter de jugement et assurer l'élève qu'iel n'est en rien responsable de la situation, qu'iel a eu raison de venir en parler.
➢ Conseiller à l'élève d'être suivi·e par le pôle médico-social, lorsqu’il y en a un : Psy-EN, Assistant·e social·e et proposer à l'élève de l'accompagner dans cette démarche. On peut aussi lui conseiller les associations / centre de santé de confiance sur la ville.
➢ Expliquer à l'élève que même s'iel n'est pas d'accord, nous avons l'obligation d'en parler au pôle médico-social car nous ne pouvons pas la/le laisser dans une situation dans laquelle iel est en danger.

➢ Pour que le lien de confiance perdure, il est préférable, si la situation le permet, de prévenir l'élève de notre obligation de rapporter ses paroles avant qu'iel ait tout raconté. Cela
permet d'éviter le sentiment de "trahison". On peut tout à fait expliquer que nous risquons d'être incriminé·e si les choses s'enveniment et que l'administration s'aperçoit que l'on a rien dit / expliquer que c'est une obligation légale.
➢ On peut également expliquer à l'élève qu'il est extrêmement rare que les enfants soient séparé·es de leurs parents, car c'est souvent une crainte. En effet, la plupart du temps, des assistant·es social·es sont mandaté·es pour suivre une famille et essayent de "régler les conflits". Ce n'est que dans des cas très graves ou lorsque les différentes tentatives de résolution échouent, qu'un éloignement de la famille est envisagé.
➢ S'écouter et ne pas se mettre nous même dans des situations que nous ne pouvons pas tenir. Certain·es d'entres nous ont aussi vécu des violences, et si cela résonne trop en nous, il faut savoir se préserver et passer le flambeau.

Que faire lorsqu'on nous confie un acte de violence sexiste ou sexuelle ou un inceste ?

Il arrive très souvent que l'élève nous confie un cas de violence ou d'inceste et nous demande de n'en parler à personne. Iel nous fait confiance et il est normal de vouloir préserver
cette confiance avec l'élève. Toutefois, nous avons l'obligation de signaler les cas de violence intrafamiliale, de VSS et d'inceste à la direction.
Une des pistes pour que l'élève ne se sente pas trahi·e est de le ou la convaincre d'aller discuter de ce problème avec une personne du pôle médico-social. Ces derniers sont formé·es
à ces sujets et savent expliquer ces choses parfois mieux que nous. Aussi, la responsabilité sera partagée par plusieurs personnes, cela évitera à la personne qui a recueilli les paroles
en premier d'être seul·e face à cette situation, et de simplifier les démarches.

Si la victime est mineure, nous devons rédiger une Information Préoccupante (IP) en cas de suspicion de violences ou de violences avérées.
À cela s’ajoute un signalement dans les cas d'inceste, de danger grave / danger de mort au Procureur. Il est préférable de mettre en copie la direction de l'établissement, bien que ça n’ait rien d’obligatoire, ainsi que le pôle médico-social lorsqu’il existe. Il est également possible de contacter l’ASE, qui peut éventuellement donner des conseils.
Le rapport doit être créé sous forme de texte, informatique ou manuscrit, et doit être purement factuel, reprendre les mots des élèves : "Il ou elle m'a dit que …", sans ajouts d'affects ou d’interprétation.

> Pour une IP : contacter la CRIP 93 crip@seinesaintdenis.fr> Pour un signalement : contacter le Procureur de la République difaje.tj-bobigny@justice.fr> Pour contacter l’ASE : trouvez la circo de votre établissement dans« Localisation des circonscriptions » sur le site : https://seinesaintdenis.fr/enfance-education-jeunesse/prevention-et-protection-de-l-
enfance/article/l-aide-sociale-a-l-enfance

Il faut s'attendre, dans certains cas, à être contacté·e par la brigade des mineur·es, et de devoir témoigner au commissariat ou par téléphone.
Il faut également savoir que vous ne serez pas informé·e des suites de l'enquête. Votre signalement déclenche divers processus dont vous ne serez pas mis au courant. Par contre, vous pouvez toujours continuer à accueillir la parole de l'élève. Il est important que la confiance soit maintenue, que l'école reste un endroit sécurisant.
Si vous avez connaissance d'informations supplémentaires, il est possible de faire des compléments d'IP plus tard.
Les parents ne sont informé·es que si aucun·e membre de la famille "proche" (parents, frères, soeurs) n'est l'agresseur.
Un signalement peut être fait de manière anonyme, mais il faut savoir que généralement, les signalements sous couvert d’anonymat sont moins considérés.

 

Qui pour prévenir, pour écouter, pour agir ?

80% des IP proviennent des établissements scolaires. Les personnel.les doivent donc être formé·es à accueillir la parole des jeunes victimes de violences sexistes et sexuelles et
d'inceste, mais également à l’accompagnement, et aux conseils de ces dernier·es.
Cependant, pour que les élèves parlent de leur vécu, pour que les situations de danger soient prises en compte, il faut en premier lieu les sensibiliser, libérer la parole - qu'iels
soient capables de parler de leur corps, de leurs sentiments - de repérer les situations à risques, de les éviter - d'apprendre à dire non
- de savoir où trouver de l’aide - de travailler l’estime de soi.
Il est donc très important de continuer à discuter de tous ces sujets, de briser les tabous, d'éduquer sur la vie amoureuse et affective, d'appliquer au minimum les 3h d'éducation à
la sexualité par an. Luttons également pour la non silenciation de la parole des élèves sous prétexte que ce serait de l’ordre du privé ou trop grave pour être abordé.

➢ Et qui forme les personnels de l'éducation nationale ?
Il faut former les personnels

- à la réalité des violences sexuelles, leurs typologies, les auteurs potentiels

- à percevoir les manœuvres d’approche développées par les pédocriminels

- à identifier les signaux faibles

- à repérer les interlocuteur·ices institutionnel·les qui peuvent intervenir

- à maîtriser les aspects juridiques de base (droits fondamentaux des enfants)

- identifier les personnes ressources dans l’école / dans l’établissement / dans l’administration

- organiser l’échange de savoirs entre pairs (voir le tract de Sud Education). Il existe des formations à destination des équipes pédagogiques, dispensées par le rectorat ou par des personnes missionnées par ce dernier.

L'Éducation Nationale manque aussi de moyens humains et financiers pour faire face à l'ensemble des problématiques vécues par les élèves. Il est donc important de continuer à visibiliser ces problématiques et de demander toujours davantage de moyens pour y faire face.

Qui pour prévenir, pour écouter, pour agir ?
➢ Les associations qui interviennent en milieu scolaire / ressources
- L'enfant Bleu : https://enfantbleu.org/ intervention de la maternelle au collège + suivi thérapeutique des personnes victimes de violence dans l'enfance + action de sensibilisation.
- Colosse aux pieds d’argile : https://colosse.fr/ association qui lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement et le bizutage en milieu sportif (mais fait aussi des interventions très bien en milieux scolaires). Elle a pour missions la formation des professionnels encadrant les enfants et l’accompagnement psychologique et juridique gratuit des victimes et victimes collatérales.
- Mémoire traumatique et victimologie : https://www.memoiretraumatique.org/ site ressource sur lequel on trouve de nombreuses données scientifiques et pratiques utiles aux victimes de violences, et aux professionnels et associations les prenant en charge. Avec les élèves les plus jeunes, on peut s’appuyer sur ce livret illustré par Claude Ponti.

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2022-quand-on-te-fait-du-mal_ponti-memoire-traumatique-hdweb.pdf

- Rapport de la Ciivise : https://www.ciivise.fr/le-rapport-public-de-la-ciivise/ pour les personnes qui veulent aller plus loin dans la réflexion et les infos

➢ Les numéros et plateformes d'écoute
Planning Familial : 0800 08 11 11 numéro vert national pour toutes les questions autour de la sexualité, les violences, l’avortement.
Viols, Femmes, Infos : 0 800 05 95 95 numéro du Collectif Féministe Contre le Viol pour toute question autour des violences sexuelles
Violences sexuelles dans l’enfance : 0 805 802 804 numéro du Collectif Féministe Contre le Viol pour toute question autour des violences sexuelles spécialement concernant les mineur·es
SOS Homophobie : 01 48 06 42 41 + le chat en ligne sur www.sos-homophobie.org
Première(s) fois : chat en ligne pour toutes les questions que tu te poses ! https://premieresfois.fr/
Comment on s’aime : chat en ligne pour les questions liées au couple, à l’amour et à la sexualité sur : https:// commentonsaime.fr/
Femmes victimes de violences (physiques, morales, psychologiques) : 3919
Violences physiques et psychologiques envers les enfants, dans la famille ou en dehors ? Une ligne d'aide : 119
L'enfant bleu : https://enfantbleu.org/ écoute téléphonique du lundi au vendredi
Victime ou témoin d’une violence numérique sur internet ou de cyber-harcèlement : 3018 (Des personnes t'aident à réagir et peuvent t'aider à faire supprimer du contenu qui te concerne, mis en ligne contre ta volonté). Disponible aussi sur Messenger, Whatsapp…
Victime ou témoin d’une situation de harcèlement à l’école (morale, verbale ou physique) : 3020
Des idées noires, suicidaire ? Une ligne téléphonique : 3114
Numéro d'urgence pour les personnes sourdes et malentendantes : Le 114. Numéro accessible via SMS (On peut aussi utiliser ce numéro lorsqu'on ne peut pas parler, qu'il ne faut pas faire de bruit)

➢ Les numéros d'urgences immédiates.
15 = SAMU (pour toutes les urgences vitales) ;
17 = la police (pour toutes les infractions, le danger avec autrui) ;
18 = les pompiers (pour les incendies, les accidents de la route…).

 

SUD Éducation revendique

Des campagnes de prévention auprès des personnels et des élèves.

Des formations assurées par l’AVFT (Association contre les Violences faites aux Femmes au Travail) pour les équipes qui en ressentent le besoin et des
moyens, du temps, de la formation et des personnels pour une éducation aux sexualités au delà des 3 séances annuelles.

Des mesures de protection des agent·es et des élèves qui dénoncent les violences sexistes, sexuelles et LGBTI+phobes ; une cellule d’écoute effective gérée par des personnels formés, et une communication d’ampleur quant à l’existence de cette cellule auprès de l’ensemble des personnels

L’élaboration de matériel pédagogique spécifique sur les questions du sexisme et des LGBTI+phobies

Des créations de postes suffisantes pour que chaque circonscription et chaque établissement soit doté de postes de médecins et/ou d’infirmier·es à temps plein et/ou d’assistant·es de services sociaux

La création d’un poste de référent·e "violences sexistes, sexuelles et LGBTI+phobes" au sein du service des ressources humaines du rectorat afin d’éviter que les signalements de violences ne restent des semaines sinon des mois sans réponse