Les enfants ne seront pas un prétexte à des politiques oppressives et fascistes

Après les élections européennes et les élections législatives qui ont suivi, le score élevé du Rassemblement National fait peser une réelle menace sur notre société. L'alliance entre la droite conservatrice et l'extrême-droite dans un grand nombre de circonscriptions nous fait craindre le pire pour nos camarades issu·es des groupes minorisés. Outre la promesse du RN de durcir encore plus la répression migratoire et de supprimer le droit du sol (mesure mise en place une seule fois sous le régime de Vichy et droit n’existant pas à Mayotte), les dernières prises de positions de la droite conservatrice, leur nouvelle alliée, mettent les personnes LGBTQIA+, surtout mineures, en danger.

Une proposition de loi dangereuse pour le bien être et la survie de nos élèves

Le 19 mars 2024, le groupe LR au Sénat déposait la proposition de loi numéro 435. Votée au Sénat au mois de mai, cette loi se penche sur la « question » de la prise en charge des mineur·es trans. Composée de 3 articles, elle introduit l'interdiction des bloqueurs de puberté, de la prise d'hormones ou de la possibilité d'entreprendre une transition chirurgicale avant 18 ans (article 1). L'article 3, lui, essaye plus ou moins subtilement de psychiatriser les mineur·es LGBTQIA+.

Beaucoup de militant·es et d'associations dénoncent une tentative de légaliser une forme de thérapie de conversion pourtant interdite récemment. Nous rappelons que les thérapies de conversion sont des lieux de violences et de maltraitances physiques, sexuelles et psychologiques.

Avec cette proposition de loi, on assiste à une nouvelle attaque contre les personnes trans, non-binaires et intersexes dans un contexte de lutte contre un soi-disant «wokisme». Ce néologisme conservateur est utilisé pour désigner les mouvements féministes, LGBTQIA+ et antiracistes inclusifs vus comme «extrêmes». On se retrouve alors avec une énième panique morale qui cette fois-ci se fait au détriment du bien-être de jeunes déjà marginalisé·es et discriminé·es en ayant des conséquences néfastes pour leur scolarité et leur vie.

Les LGBTQIA+phobies en milieu scolaire se manifestent sous différentes formes et via différent·es acteur·ices : élèves, profs, administration, État. Ces violences, qu'elles soient verbales, physiques, numériques et/ou sexuelles participent à la stigmatisation des élèves LGBTQIA+ menant souvent à une perte d’estime de soi, de l’anxiété, de la honte, de la culpabilité, des comportements dépressifs et un renferment sur soi-même. Les élèves LGBTQIA+ ont donc plus de chances de se retrouver dans une situation de déscolarisation et sont plus à même de développe :r des pulsions suicidaires et des conduites à risques.

Cette proposition de loi est donc dangereuse pour le bien-être et la survie de nos élèves. Elle prétend proposer d'aider les élèves alors qu'elle les empêche d'être elleux-mêmes.

Ces revendications transphobes, portée en grande partie par les militantes qui se revendiquent du féminisme, appelées souvent TERF (Trans Exclusionary Radical Feminists) mais que nous préférons appeler FART (Feminism Appropriating Reactionnary Transphobes), se basent sur une vision rétrograde et biologisante des femmes.

Elles revendiquent une binarité de genre et des critères stricts pour définir ce qu'est une femme. Ces critères censés se baser sur la science sont extrêmement réducteurs et nient la réalité de beaucoup de femmes cis ou trans. Selon ces militant·es, une femme ne serait une femme que si elle possède un utérus et a ses règles. Cette idéologie, en plus d'exclure les femmes trans, les femmes stériles ou encore celles n'ayant pas d'utérus, renvoie les femmes à la maternité comme s’il s'agissait de leur unique rôle. Les autres critères qui qualifient ce qu'est une femme seraient aussi ceux qui définissent la beauté blanche : la finesse du corps et des traits, des muscles et une force moins développés que celle des hommes. Ces critères reposent donc sur une vision misogyne, raciste et rétrograde des femmes.

Pourquoi nous ne dirons plus « TERF »

L’acronyme anglais TERF (pour Trans Exclusionary Radical Feminist) sert à désigner des militantes d’extrême droite qui se revendiquent du féminisme et qui font du droit des trans leur cheval de bataille. Pour autant, nous pensons que les nommer ainsi, c’est déjà leur faire trop d’honneur, ce pour deux raisons :

- Raison n°1 : Ces militantes ne se contentent pas d’exclure les femmes trans de leur militantisme ; elles nient leur existence et leur droit d’exister. Selon Stern et Moutot, les femmes trans seraient en réalité des hommes qui se travestiraient pour violer les femmes cis. Loin de ces délires complotistes, les personnes trans sont des personnes bien réelles qui représentent en moyenne 1 % de la population totale, cela fait environ 300 000 femmes trans rien qu’en France. Les soit-disantes TERF ne sont donc pas Trans Exclusionary mais simplement transphobes. Nommons les comme telles.

- Raison n°2 : Ces militantes ne reconnaissent pas le genre comme une construction sociale mais comme un état de nature. Elles essentialisent la féminité aux individus, en se basant sur des caractères biologiques (vulve) et sur des qualités morales supposées (douceur, empathie)... Cette conception naturaliste de la femme ne relève en rien du féminisme radical (« On ne nait pas femme, on le devient » écrivait pourtant déjà Simone de Beauvoir en 1949) et a pour seul objectif de nier la féminité des femmes trans. Au contraire, cette version transphobe du genre et de la féminité dessert complètement la cause des femmes. Non seulement, elle encourage les masculinistes à faire de même en essentialisant les femmes dans leur intérêt (soumission, passivité...). Mais en plus à se centrer uniquement sur les individus (femmes OU hommes), Stern et Moutot nient l’existence du système patriarcal et des rapports de domination qu’il met en place pour maintenir les hommes dans leurs privilèges.

En conclusion, l’acronyme TERF ne correspond aucunement à la réalité pour décrire des militantes d’extrême droite comme Stern et Moutot. Nous préférerons à la place l’acronyme « FART », pour Feminism Appropriating Reactionary Transphobe. En effet, le terme FART, en plus de faire un jeu de mot à la hauteur des convictions politiques de ces militantes, décrit bien mieux leur réalité : Des personnes d’extrême droite qui, sous couvert de féminisme, étalent leur haine et leur mépris à l’encontre de minorités.
Ne soyons pas dupes, le féminisme d’extrême droite, ça n’existe pas !

Le fémonationalisme en France

Les mouvances transphobes sont en lien avec une droite et une extrême-droite bien installées dans notre paysage politique et qui pour se dédiaboliser, surfent sur une récupération du mouvement féministe à des fins racistes.

Cette tendance raciste repose grossièrement sur une vision très binaire entre un Occident blanc, chrétien, civilisé et respectueux des droits des femmes en opposition à un Islam noir et arabe, barbare, conservateur et archaïque qui les soumet. L'Occident se retrouve alors dans une position de sauveur blanc (presque civilisateur), qui doit secourir les femmes racisées de leur culture oppressive. Cela objectifie les femmes racisées et les réduit à un rôle passif, sans agentivité : elles seraient incapables de penser et d'agir par elles-mêmes.

En France, cela se traduit par exemple par l'acharnement islamophobe dont sont victimes les femmes musulmanes qui portent le voile. Selon cette logique fémonationaliste, les violences sexistes et sexuelles sont uniquement le fait des individus racisés. Lorsque les agresseurs sont blancs, elle en fait des personnes déviantes plutôt que des hommes dangereux.

Si on connait les partis (Les Républicains, Rassemblement National, Reconquête et parfois ceux de la majorité) qui portent des positions fémonationalistes, le groupe qui représente le mieux cette récupération du féminisme à des fins racistes est Némésis. Créé à la fin des années 2010, son crédo est que la violence sexiste, les viols, le harcèlement de rue sont l’apanage des immigrés musulmans. Ses militantes se sont faites connaître via plusieurs actions coups de poings lors des manifestations officielles du 8 mars et du 25 novembre. Certaines de leurs cadres ont rejoint le parti Reconquête et Alice Cordier, l'une des leadeuses, intervient souvent sur les plateaux de TPMP et CNews. Dernièrement, elles projetaient devant l'Assemblée des chiffres faussés selon lesquels la majorité des coupables de viols, en France, étaient d'origine étrangère. Les liens tissés avec les partis d'extrême-droite leur permettent aussi de faire passer leurs idées racistes aux parlementaires qui se réapproprient leurs revendications.  Il va sans dire qu'elles sont aussi LGBTQIA+phobes et FART.

S'opposer à la loi Darmanin et au soit-disant "grand remplacement"

En janvier 2024, nous avons assisté au passage en force de la loi Darmanin qui met en danger de nombreuses personnes sans papiers, mineures comme majeures. SUD Éducation 93 rappelle son engagement pour la régularisation sans conditions de toustes les sans-papiers. Nous continuerons de défendre la liberté d’installation et de circulation.

Quelques jours après le passage de cette loi Emmanuel Macron annonçait dans une allocution télévisée qu'il souhaitait que soit mis en place un réarmement démographique. On a du mal à voir cet enchainement comme une coïncidence innocente et non comme une réponse positive concrète à la théorie d'extrême-droite du "grand remplacement". Selon cette idée complotiste développée par le français Renaud Camus en 2010, les populations blanches européennes sont sur le point de disparaitre, remplacées par les populations extra-européennes qui envahissent leur territoire. Il faudrait ainsi défendre la civilisation et la culture blanche chrétienne européenne.

Avec l'utilisation du terme "réarmement démographique", on retrouve un vocabulaire martial qui répond à cette théorie complotiste. Les femmes sont ainsi réifiées, réduites à des utérus sur pattes et utilisées comme des outils de production au service d'un nationalisme français obsédé par l'insécurité et une immigration qui serait débordante.

Il semble d'ailleurs ironique de vouloir "encourager" les familles françaises à faire des enfants, alors que depuis ces dernières années nous assistons à une des plus grandes casses du service public et à une précarisation de la population : de plus en plus de maternités et de crèches ferment et le gouvernement veut réduire les congés parentaux.

Par ailleurs, puisque les mères sont celles qui prennent le plus souvent des congés parentaux et travaillent à mi-temps, cette volonté de relancer la natalité se fait au détriment des femmes, de leur carrières et in fine de leur autonomie financière.

Lutter contre la vision de l'éducation promue par la droite réactionnaire 

La droite réactionnaire entend faire des élèves de la chair à canon et à patron. Le rôle de l'école publique devient alors de mettre les jeunes au travail dans la plus grande discipline. C'est là le rôle du SNU ou encore de la charte des devoirs proposé·es par le gouvernement de Macron, quand les groupes de niveaux effectuent le tri social nécessaire au maintien de l'ordre établi.

L'éducation à la vie relationnelle et affective devient alors secondaire : les 3 séances annuelles ne sont mises en place que dans une minorité d'établissements depuis la circulaire de 2018, laissant les stéréotypes de genre se reproduire librement en promouvant une vision conservatrice de la société. Si ces heures sont nécessaires pour assurer la santé sexuelle des jeunes, elles le sont aussi pour favoriser une éducation émancipatrice des femmes et personnes LGBTQIA+ à laquelle s'opposent les organisations de droite.

C'est par exemple la ligne directrice des "Parents vigilants" qui tentent de faire retirer des bibliothèques scolaires les livres sortant du carcan blanc cis-hétéronormatif. Ce collectif qualifie de « désaxé·es » les personnes qui ne correspondent pas à la norme du genre, ou qui tentent une éducation progressiste. Il prétend que les cours d'éducation à la vie affective et sexuelle sont des cours de pratique sexuelle alors qu’il s’agit bien évidemment d’une éducation au consentement, à la prévention, et aux manières dont il est possible de vivre son amour et /ou sa sexualité, qu’elle soit ou non en dehors des normes sociales.

SUD Éducation 93 revendique :

- Le libre choix de ses prénom et pronom d'usage et le respect du prénom et pronom choisis dans le cadre scolaire, à l'oral comme à l'écrit.

- La mise en œuvre d’une éducation aux sexualités avec de véritables moyens : du temps, des personnels formés et de l’argent.

- La mise en place de dispositifs dédiés permettant aux élèves de réfléchir spécifiquement aux discriminations et stéréotypes, et de les déconstruire.

- La scolarisation inconditionnelle des jeunes étranger·es au sein du service public d’éducation indépendamment de l’âge, la nationalité et du statut administratif.

- Le libre accès aux postes d’enseignant·es sans conditions de nationalité.

- L’abrogation de la loi de 2004 sur le voile et la défense des droits des mères voilées accompagnant les sorties scolaires.

- La régularisation des travailleur·euses sans-papiers.