En octobre 2019, E. Philippe annonce en grande pompe la mise en place d’une prime de fidélisation pour les agent·es de la fonction publique exerçant dans le 93. Au bout d’un an et demi la DSDEN vient enfin de fournir aux syndicats, à l’occasion d’un groupe de travail le 10 mars, une circulaire rectorale mettant en oeuvre effectivement cette prime, à savoir les modalités de demande de cette prime et les montants exigibles par les personnels. Nous mettons les documents à disposition des collègues en fin de cet article. Pour plus d’explications sur cette prime vous pouvez aussi lire cet article.
Malgré des sollicitations régulières sur l’avancée du chantier, la mise en place de la prime n’a que trop tardée. Par ailleurs, la circulaire présentée ce mercredi comporte de nombreux oublis et approximations. Le texte présenté semble semble avoir été bricolé en cinq minutes sur un coin de table.
Question des syndicats :
"Quid des contractuel·es ou des TZR exerçant ponctuellement dans d’autres départements de l’académie ?"
Réponse de l’administration :
"ah oui on n’y avait pas pensé, il faudra voir. "
Q : _" Quid des collègue en accident de service ? Cela suspend-il l’ancienneé pour la prime comme les arrêts maladie ?"
R : _ "ah oui on n’y avait pas pensé, il faudra voir. "
Q : _ "Cette prime sera-t-elle impossable ?"
R : _ "ah oui on n’y avait pas pensé, il faudra voir. "
....
De qui se moque-t-on ?
Sur les modalités d’obtention, là aussi la légèreté est à l’honneur. Cette année, et cette année seulement, les collègues déjà en poste devront faire connaître leur "option", il y a en a 2.
Option 1 : on choisit de toucher les 10000 euros à la fin de nos 5 ans, si on part avant on n’a rien.
Option 2 : cela ne nous engage à rien mais on signifie à l’administration que l’on souhaite toucher partiellement la prime en cas de départ du département avant 2025.
Par défaut, c’est l’option 2 qui est retenue de façon automatique. Ces options n’ont donc pas tellement d’intérêt et les collègues ont tout intérêt à sélectionner l’option 2 dans tous les cas.
Le choix des options est à faire connaître avant le 1er avril. L’administration a donc décidé de l’échéance alors même que sa circulaire et la fiche d’option ne sont pas prêtes et doivent encore être modifiées suite aux remarques faites par les syndicats. Seront-elles prêtes au 1er avril ? L’administration aura-t-elle communiqué auprès des personnels avant le 1er avril et dans des délais raisonnables ? Rien n’est moins sur !
Le rectorat nous dit que la 2 est favorable car elle englobe les deux. Quand on le questionne sur le « pourquoi ce choix », personne n’a été capable de nous répondre autre chose que, c’est une prime de fidélisation et « ça permet de compter les gens qui souhaitent s’engager sur 5 ans ».
Bref une démarche administrative supplémentaire plutôt inutile dont seule l’Education nationale a le secret. Mais afin d’éviter toute mauvaise surprise nous conseillons de renvoyer votre fiche d’option en cochant l’option 2 que souhaitiez quitter le département ou non. Cette fiche est à renvoyer avant le 30 mars 2021. L’administration est censé communiqué sur le sujet en envoyant un mail sur la boîte professionnelle de tous les personnels y ayant droit.
De nombreuses exclusions et injustices
La prime concerne :
- les enseignant·es titulaires et contractuel·les du 1er et 2nd degré
- les CPE
- les PsyEN
- les AESH
- les AED
- les agent·es dans les EPLE
- ....
Les années en CUI et de stage sont prises en compte dans l’ancienneté.
Si nous pouvons nous satisfaire du fait que pour une fois les AED et AESH sont concerné·es par cette prime, un certain nombre de personnels en sont exclus bien qu’en contact quotidien avec le public, condition prévue par le décret de 2019. C’est le cas des assistant·es des services sociaux, les infirmier·es, les personnels administratifs. Cela est aussi profondément scandaleux et montre l’ignorance de la hiérarchie quant à la réalité du terrain des personnels.
Outre l’exclusion d’une partie des collègues, cette prime va aussi générer des inégalités de traitement au sein des ayants-droit. En effet, les périodes de "non-activité" de plus de 4 mois, comme les arrêts longue maladie, les mises en diponibilité et les congés parentaux remettent à zéro le compteur d’ancienneté pour le droit à la prime.
Par exemple, si une collègue exerçant dans le département depuis 2008, souhaite prendre un congé parental d’un an à la rentrée 2021, elle devra attendre septembre 2027 pour percevoir les 10.000€ (reprise en septembre 2022 + 5 ans).
Cela est donc particulièrement injuste, voire discriminatoire, pour les femmes qui sont justement celles ayant le plus souvent recours aux congés parentaux mais aussi aux mises en disponibilité. Là encore, les grands effets d’annonce du gouvernement en terme de lutte contre les inégalités sexistes, et en particulier sur le salaire, sont contredits par les décisions politiques réellement mises en oeuvre.
Mais c’est aussi particulièrement injuste pour les collègues en arrêt maladie longue durée. Ainsi un·e collègue exerçant depuis des années dans le département, en plus de devoir lutter contre une grave maladie sera sanctionné·e financièrement à son retour en poste.
Que dire enfin de la situation des collègues approchant de la retraite et qui liquideraient leur droit à la pension avant 2025. Après une carrière entière en Seine-Saint-Denis, ils et elles partiront avec 2000€. Voilà tout le crédit apporté aux personnels pour quelques économies de plus.
Notre ancienneté au 1er septembre 2020 détermine notre tranche de prime partielle, c’est-à-dire le montant auquel on peut prétendre en cas de mutation avant 2025 :
- 4 ans et plus = 2000€
- entre 3 et 4 ans = 4000€
- entre 2 et 3 ans = 6000€
- entre 1 et 2 ans = 8000€
Ce montant reste inchangé, peu importe l’année de départ.
Notre ancienneté au 1er septembre 2020 va aussi déterminer à partir de quelle année on peut ouvrir ce droit à la prime partielle :
- 4 ans et plus = à partir de 2021
- entre 3 et 4 ans = à partir de 2022
- entre 2 et 3 ans = à partir de 2023
- entre 1 et 2 ans = à partir de 2024
En 2025, tout le monde touchera 10.000€ quelque soit son ancienneté au 1er septembre 2020 à partir du moment où l’on a exercé 5 années continues dans le département. Les arrêts maladie et congés de plus de 4 mois suspendent le processus.
Vous ne rêvez pas ! À ce nouveau jeu, plus on a de l’ancienneté plus on perd ! Alors certes, les plus ancien·nes bénéficient du très généreux avantage de pouvoir retirer leurs gains plus tôt que les autres mais quels gains ?! En 2023, un·e collègue avec 10 ans d’ancienneté touchera trois fois moins (2000€) qu’un·e collègue avec 5 ans d’ancienneté (6000€) s’il ou elle mute dans un autre département.
Pour résumer, plus on a de l’ancienneté plus on a intérêt de rempiler pour 5 ans pour toucher une prime un minimum à la hauteur du travail fourni dans le département. Ou pas ... !
Cette logique est, en réalité, en totale contradiction avec la logique de "fidélisation" que prétend apporter cette prime.En effet, quel intérêt ont les collègues les plus anciens à s’infliger 2, 3 ou même 4 années supplémentaires d’exercice dans des conditions de travail extrêmement dégradées pour gagner aussi peu et surtout moins que des collègues moins ancien·nes ? Absolument aucun !
Alors que la logique devrait être de stabiliser les personnels, cette modalité d’octroi de la prime risque au contraire de provoquer une fuite des collègues les plus ancien·nes, et donc les plus expérimenté·es, pour qui le jeu ne vaudra pas la chandelle. Entre partir maintenant avec 2000€ ou subir pendant encore 5 ans des conditions de travail dégradées, beaucoup de collègues vont sans doute, à raison, privilégier leur santé mentale sur la santé de leur porte-feuille.
C’est pourtant bien de personnels expérimentés dont ont besoin les élèves du département, et à l’inverse de la logique de l’administration, qui ne veut sans doute pas que ce dispositif ne leur coûte trop cher, c’est bien l’ancienneté qu’il faut valoriser. La perception de la prime devrait donc, pour être incitative, être progressive et tenir compte de l’ancienneté.
Ensuite, nous ne le redirons jamais assez mais le meilleur moyens de stabiliser les personnels est une véritable revalorisation des salaires, la fin de la politique des primes "pansements" et surtout le déblocage de moyens humains à la hauteur des besoins. Aucune somme d’argent ne compensera jamais la surcharge de travail, l’épuisement, les dysfonctionnements systémiques auxquels font face les personnels chaque jour dans les écoles et établissements.
- que la prime de fidélisation soit progressive et prenne pleinement en considération l’ancienneté déjà acquise au 1er septembre 2020 ;
- le dégel du point d’indice et la réévaluation des salaires en tenant compte de l’inflation de ces vingt dernières années ;
un plan d’urgence pour l’éducation dans le 93 et des moyens à la hauteur des besoins.
Imprimez et diffusez ce tract récapitulatif à tout·es vos collègues.